Interview de Laurent Pasquier, cofondateur de C'est-qui-le-patron?!?
L’objectif de C’est qui le Patron ?! est de rémunérer décemment les producteurs alimentaires. Les consommateurs élaborent parallèlement le cahier des charges des produits d’où découle le prix de vente. Entretien avec Laurent Pasquier, créateur de MesGouts.fr et co-fondateur de C’est qui le patron ?!
Quelles transformations nous poussent à changer notre façon de produire et de consommer ?
Nous préparons une planète inhospitalière en détruisant l’équilibre créé depuis des millions d’années. La Terre se reconstituera et d’autres animaux y vivront, mais nous détruisons celle où l’on souhaite que nos enfants soient heureux. Je me sens la responsabilité d’être plus précautionneux dans l’utilisation des ressources pour offrir aux êtres à venir une planète vivable. Nos enfants à nous vivent dans un cocon, mais si le reste de la planète meure cela ne marche pas.
Et C’est qui le patron ?! s’inscrit dans cette vision ?
L’objectif de C’est qui le patron ?! est de faire s’exprimer les gens, les informer, les faire réfléchir. Nous manquons de mémoire sur les thèmes de l’agriculture et de l’élevage. Avant nous apprenions dans notre environnement familial. Aujourd’hui notre famille et nos amis sont urbains. On ne sait plus comment une plante pousse, comment un animal s’élève. Il faut amener les gens à réfléchir pour faire évoluer les choses. Les perspectives des Millennials ne sont pas celles que nous nous avions dans les années 70. Le progrès paraissait génial. Tout avait l’air formidable en 2000 ! En grandissant les Millenials voient leur planète mourir et l’endettement croitre. Ils portent une sorte de révolution de la consommation. Cette consommation en rupture entraine une partie des générations précédentes. Ensemble ils deviennent assez nombreux pour que « ça prenne ». C’est qui le patron ?! et Mes gouts.fr s’inscrivent dans cette vision. Mes gouts.fr n’a pas fonctionné car la maturité sociale n’était pas là. Cela se joue à quelques années. C’est qui le patron ?! créé en 2013 n’arrive à se lancer qu’en 2016.
Comment faire confiance à un cahier des charges élaboré par des gens qui ne connaissent rien en poulet, beurre ou chocolat ?
Les questionnaires qui définissent les cahiers de charges sont coconstruits. Ils se basent sur l’expertise des producteurs, transformateurs et professions intermédiaires (organismes de stockage, coopératives). Un questionnaire a des règles, il doit représenter l’offre du marché, être précis sans être trop technique. En votant, les gens doivent apprendre des choses. On essaie d’être pédagogues. Nous prévoyons les conséquences et les incompatibilités entre les réponses. L’arbitrage se fait avec le prix : si le consommateur ne voit pas l’intérêt d’une option, le prix baisse. S’il faut trancher entre le prix et une option qui lui plait, souvent il opte pour l’option intermédiaire. On obtient des produits équilibrés et la promesse d’achat est transformée.
Quelles sont vos relations avec la grande distribution ?
Il y a ceux qui ont trouvé que c’était une bonne manière d’évoluer. Quand C’est qui le patron ?! est vraiment lancé, c’est la guerre des prix. Notre premier distributeur, Carrefour, nous a vus d’un bon œil, comme une solution possible. D’autres ont réagi de façon plus compliquée. Enfin, certains avaient commencé une réflexion sur de la compétitivité hors coûts. Nous étions en concurrence avec leur démarche. Maintenant il y a la pression des consommateurs : les distributeurs U, sans cela, ne vendraient pas notre lait.
Le cheval de bataille de C’est qui le patron ? est de faire un produit durable. Producteur, transformateur, distributeur, consommateur, tout le monde doit s’y retrouver. Cela implique une répartition financière de la valeur du produit sur l’ensemble de la chaine. Cette équation doit entrer dans un prix de vente acceptable sans quoi le produit ne sera pas durable. Il y a un cas où l’équation n’a pas été résolue c’est le steak haché frais. Il n’y a donc plus de steak haché frais C’est qui le patron ?!
Interviewée réalisée en novembre 2019 par Naïk Guezel, première publication dans Vulgäre n°7
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